«Une double exposition pour se familiariser ou redécouvrir le travail de Gilles Caron»

La Galerie Focale s’est associée avec le Château de Nyon pour proposer au public, en collaboration avec la Fondation Gilles Caron, deux accrochages dédiés au photojournaliste français. En 1970, à l’âge de 30 ans, Caron disparaît sur une route reliant le Cambodge au Vietnam, dans une zone contrôlée par les khmers rouges. Il laisse, au terme de sa courte carrière, un œuvre considérable, fort d’une centaine de milliers de photographies, parmi lesquelles nombre d’icônes, dont le fameux cliché pris en mai 1968, représentant Daniel Cohn-Bendit face à un policier. Pour en parler et évoquer également la galerie nyonnaise, nous avons interrogé Elena Sampedro, présidente du Comité de Focale.

Christophe Fovanna: L’exposition actuelle consacrée à Gilles Caron est un gros coup, car ce photojournaliste a une envergure internationale. Comment êtes-vous parvenue à monter ce projet? Et est-ce opération isolée, ou bien avez-vous l’ambition de programmer d’autres événements d’un tel prestige?

Elena Sampedro: Malgré la situation sanitaire, nous avons pu compter sur la collaboration de la Fondation Gilles Caron et le Château de Nyon pour organiser une double exposition de ce photographe, figure incontournable du photoreportage. Nous espérons pouvoir à l’avenir proposer d’autre exposition de photographes qui ont marqué la photographie documentaire, ce que Focale a déjà fait par le passé en exposant des photographes de renommée mondiale, tels que Robert Frank, Sebastião Salgado, Manuel Alvarez Bravo, Mario Giacomelli, et bien d’autres.

C. F.: L’exposition est donc constituée de deux volets. Quelle est la spécificité de chacun de ces volets? Y voit-on des images inédites?

E. S.: Focale propose effectivement une exposition en deux volets, entre la galerie Focale et le Château de Nyon, portant sur une sélection d’images du travail de Gilles Caron et une projection en avant-première en Suisse du film documentaire sur le photographe: Histoire d’un regard (2019) de Mariana Otero.
L’exposition Gilles Caron Sélection à la galerie Focale est dédiée à une sélection d’images en couleurs moins connues du photographe; il s’agit de tirages Cibachrome réalisés en vue de l’exposition à la Biennale d’art contemporain de Venise (2015) avec le soutien de la Fondation Bru, lesquels intègrent la présente exposition à Focale.
Au Château de Nyon, la sélection de photographies de Gilles Caron et le film Histoire d’un regard se complètent et se répondent. Alors que l’exposition Gilles Caron Sélection met l’accent sur la couleur, Gilles Caron au Château met à l’honneur les tirages noir-blanc du photographe ainsi que ses planches contact, notamment la dernière de sa carrière.
L’idée était de proposer une double exposition atypique pour permettre au public de se familiariser et/ou de redécouvrir le travail du photographe Gilles Caron au moyen d’une scénographie originale et grâce à la projection d’un film inédit sur celui-ci.

C. F.: Vous êtes, depuis un peu plus d’un an, la nouvelle présidente du comité de Focale…

E. S.: J’ai été nommée présidente du Comité de Focale depuis mai 2019. Focale est en Suisse l’un des plus anciens lieux entièrement dédié à la photographie. Son histoire est avant tout celle d’une passion. En 1982, deux férus de chambre noire, Daniel Baudraz et Constantin Fernandez, se lançaient un magnifique défi en ouvrant une galerie. Par la suite, désireux de dynamiser les rencontres entre professionnels et grand public amoureux de l’image, les deux fondateurs créaient en 1985 l’Association Focale.

C. F.: Focale existe depuis 1982, soit 3 ans avant la fondation, à Lausanne, du Musée de l’Elysée par Charles-Henri Favrod. Comment regardez-vous ce passé de pionner de la Galerie Focale? Et que désirez-vous en garder?

E. S.: Focale tend à promouvoir une photographie d’expression et à privilégier une approche plutôt réaliste du médium, proche de la photographie documentaire ou du photoreportage. Le Comité de Focale n’entend pas modifier cette inclination. Nous pensons persister dans la défense et le soutien apporté à la photographie documentaire en Suisse romande, domaine qui a d’ailleurs évolué depuis les débuts de Focale et qui continue de le faire.

C. F.: Nouvelle présidence signifie sans doute nouvelles orientations pour Focale… Qu’allez-vous changer dans le fonctionnement de cette institution nyonnaise? Allez-vous également faire bouger la ligne directrice de la galerie, qui est, rappelons-le, orientée vers le photoreportage et le documentaire?

E. S.: Le Comité de l’Association est composé pour l’heure de cinq membres dont deux professionnels de la photographie. Notre intention est davantage de faire rayonner la photographie documentaire et plus particulièrement en Suisse romande, raison pour laquelle nous essayons de proposer, en partenariat avec d’autres institutions, des expositions ailleurs qu’à notre galerie à Nyon. L’année dernière nous avons notamment organisé à Genève une exposition de nos membres photographes à la galerie Andata Ritorno et nous avons participé au Festival Arcoop Wall Project, avec notre librairie et une projection du travail photographique Amour de Guillaume Perret.
Nous essayons également de proposer des expositions variées, mais notre vocation est celle de promouvoir les travaux de jeunes talents afin de permettre au public de se familiariser avec la photographie documentaire contemporaine et de faire le lien avec celle plus historique. Jusqu’ici, le Comité s’interdisait de réexposer un(e) photographe déjà exposé(e) à la Galerie. Depuis l’an dernier nous avons abandonné cette règle. Désormais, il est possible, cinq ans au minimum après le premier accrochage, de présenter à nouveau un(e) même artiste.

C. F.: Quels sont à votre avis les défis auxquels devra faire face Focale dans l’avenir, et comment les aborderez-vous, spécialement en ce moment où la culture a été très affectée par la crise due au Covid-19?

E. S.: Actuellement les défis sont essentiellement sanitaires et nos activités ont été réduites en conséquence cette année. Nous essayons de nous adapter. Focale disposant d’une librairie spécialisée de grande qualité, nous venons de mettre en ligne celle-ci pour nous permettre de vendre à distance nos ouvrages, au vu de la situation.

C. F.: La galerie Focale est très petite. En étendant l’exposition Caron jusqu’au Château, l’espace à disposition permet d’imaginer de gros accrochages. Est-ce que vous allez pouvoir utiliser à d’autres occasions cet espace supplémentaire et pérenniser la collaboration avec le Château?

E. S.: L’on ne saurait anticiper de futures et lointaines collaborations avec d’autres institutions. Cela étant, nous avons d’ores et déjà prévu une exposition surprise au Château de Nyon du 28 novembre 2020 au 10. janvier 2021.

C. F.: Quelle est votre souhait pour le futur de Focale?

E. S.: Le souhait du Comité pour Focale est de pouvoir continuer à proposer des expositions de qualité ainsi qu’à soutenir et encourager de jeunes talents, éventuellement dans de nouveaux espaces.

Gilles Caron Sélection

Galerie Focale, Nyon (VD)
Jusqu’au 1er novembre 2020
Ouverture: Du mercredi au dimanche de 14h à 18h (ouvert les jours fériés)

Gilles Caron au Château

Château de Nyon (VD)
Jusqu’au 15 novembre 2020
Ouverture: De novembre à mars, du mardi au dimanche, de 14h à 17h
D’avril à octobre, du mardi au dimanche, de 10h à 17h.

Projection du film «Histoire d’un regard» de Mariana Otero (2019)

31 octobre 2020 à 16h, sur inscription à info@focale.ch


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