«Tant de choses planent dans l’air, d’où notre vertige» de Yann Mingard

A propos de l’exposition du photographe romand Yann Mingard au Musée de l’Elysée, à Lausanne.

A sa naissance officielle, en 1839, la photographie est d’abord documentaire. Elle stupéfie immédiatement le monde par son pouvoir quasi magique de restituer le réel dans ses moindres détails. Ainsi Alexander von Humboldt, qui fut le premier scientifique d’importance à qui Arago présenta le nouveau procédé, note dans sa fameuse lettre écrite à Carus, que lors de l’opération chimique permettant la révélation de l’image «le brin de paille n’est pas effacé!». Voilà qui explique pourquoi, à l’époque, on s’accorde à penser que voir le monde à travers la loupe d’un microscope, ou celle d’un objectif de caméra photographique, c’est, selon l’expression de J. Paester, «saisir le dispersé en le ramassant.», donc, mieux voir…

Dans son acception contemporaine, la photographie documentaire n’a plus ce même rapport au réel. On y ajoute désormais de la subjectivité, voire de la fiction, pour construire son sujet. Qui plus est, de plus en plus souvent, dans les livres, comme dans les expositions, les auteurs enrichissent leur travail photographique en y greffant des documents vidéo ou audio et des reproductions de documents d’archives (lettres, dossiers, coupures de presse, etc.).

C’est précisément le cas dans l’exposition que présente actuellement au Musée de l’Elysée, à Lausanne, le photographe Yann Mingard. Intitulé «Tant de choses planent dans l’air, d’où notre vertige», ce projet est annoncé par Lars Willumeit, commissaire de l’exposition, comme la tentative de «poser un diagnostic artistique de la contemporanéité en étudiant l’impact de phénomènes de grande ampleur antérieurs à notre époque — qu’ils soient naturels, technologiques ou sociaux — sur notre état d’esprit actuel et sur le monde en général.» Pour se faire, le photographe a déterminé huit chapitres thématiques explorant, entre autres, la fonte des glaces, la radioactivité, les changements climatiques, les laves torrentielles, l’évolution. Dans chacune de ces sections sont mises en juxtaposition les photographies de Yann Mingard avec une complexe organisation de documents tels que, par exemple, captures d’écran de photos ou de vidéos pêchées sur Internet, détails de toiles de maître, reproductions de courriers officiels, coupures de presse ou gravures d’époque.

L’expérience à laquelle le visiteur est ainsi confronté ne se suffit donc pas de la seule qualité de son regard. Il faut aussi s’informer, et comprendre pour quelle raison telle image est dans la proximité de telle autre. Pour cela, il est recommandé de prendre connaissance des textes imprimés dans un livret en papier (disponible gratuitement dans le musée) pour commencer à pénétrer la démarche de Yann Mingard, qu’on peut présenter comme une interrogation sur l’anthropocène, donc sur cette période qui a vu et voit encore l’homme transformer la planète sur laquelle il vit jusqu’à un point qui le menace lui-même d’extinction.

Pour le spectateur habitué à se balader entre les étages du Musée de l’Elysée à la recherche de pures émotions esthétiques, il faudra donc changer un peu le logiciel. Mais sensations du beau il y aura quand même, en particulier devant un paysage grand format du glacier d’Aletsch ou une magnifique série «à la manière noire» représentant des ossements de mammouths.

«Tant de choses planent dans l’air, d’où notre vertige»
Musée de l’Elysée, Lausanne

Du 29 mai au 25 août 2019
Musée ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h

Entrée gratuite

Catalogue de l’exposition
Yann Mingard «Everything is up in the air, thus our vertigo»

Editions GwinZegal, 2018
Bilingue Français / Anglais

Prix : 39.- CHF

Yann Mingard

Galerie C


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